Laboratoire de recherche organisé par la Chaire de recherche en dramaturgie sonore au theÌaÌ‚tre de l'Université de Québec à Chicoutimi, en mai 2017.
Revivez l'expérience d'immersion et de performance sur le site dédié à cette Phonographie 2 Val Jalbert.
Ce laboratoire a participé à la création de l'univers sonore de Formation, pièce pour 4 interprêtes, chorégraphiée par Emmanuelle Huynh et sonographiée par Matthieu Doze.
Photos © Nicolas Bergeron
DE LA PHONOGRAPHIE AÌ€ LA DANSE, UNE EXPEÌRIENCE TRANSMEÌDIATIQUE
Rappelons que la phonographie est une pratique de l’eÌcoute qui se deÌploie au sein d’un environnement speÌcifique. Cette eÌcoute que nous enregistrons aÌ€ l’aide de diffeÌrents appareillages et qui se traduit sous diverses formes (sonores, visuelles, textuelles, mateÌrielles) demande une relation au corps. En fait, la phonographie implique toujours un engagement physique, sensible et meÌ‚me imaginaire du corps de l’eÌcoutant. C’est ce meÌ‚me corps qui informera les fruits de l’expeÌrience in situ vers une eÌcriture artistique.
Phonographie n°2 / Pour cette deuxieÌ€me phonographie, nous voulions donner plus ouvertement une place aÌ€ ce corps. Mais quel corps? Nous avons convoqueÌ celui organique et incarneÌ qui joue des technologiques alleÌgeÌes, mais aussi celui capable de se deÌployer « [...] comme un reÌseau mateÌriel et eÌnergeÌtique mobile et instable de forces pulsionnelles et d’interfeÌrences, d’intensiteÌs disparates et croiseÌes1». Pour ce projet, il s’est agi de rechercher cette force aÌ€ travers une corporeÌiteÌ aux reÌsonances virtuelles. C’est bien ce corps augmenteÌ (parce que) en eÌcoute qui nous a motiveÌs aÌ€ collaborer avec des danseurs et aÌ€ expeÌrimenter une dimension transmeÌdiatique.
Une eÌquipe de deÌ-speÌcialistes / Le principe de nos phonographies repose aussi sur une influence, une induction aÌ€ notre eÌcoute. C’est aÌ€ Emmanuelle Huynh, choreÌgraphe et directrice de la compagnie MuÌa, et aÌ€ Matthieu Doze, « sonographe » et danseur, deux artistes français complices de longue date, que nous confions ce roÌ‚le. AÌ€ eux se joindra une eÌquipe d’artistes eÌtudiants qui au-delaÌ€ de leur discipline accepteront de se « deÌspeÌcialiser », comme le propose Matthieu Doze, pour investir indiffeÌremment les types de captation. Karina Iraola, Karine Ledoyen et Maria Juliana Velez, trois danseuses d’autres universiteÌs au QueÌbec, issues de cultures diffeÌrentes et sensibles aÌ€ cette recherche eÌcosysteÌmique, collaboreront eÌgalement au projet. Enfin, l’eÌquipe de la chaire est constitueÌe de Chantale Boulianne, sceÌnographe, Pierre Tremblay-TheÌriault, artiste en arts numeÌriques et du Web, ainsi que nos deux assistants: Nicolas Bergeron pour dynamiser les reÌseaux sociaux et notre webradio, et Christine Rivest-HeÌnault aÌ€ l’archivage. AndreÌe-Anne GigueÌ€re, performeuse et videÌaste, et Jean-Paul QueÌinnec, auteur, performeur et titulaire de la Chaire de recherche en dramaturgie sonore au theÌaÌ‚tre, compleÌ€tent l’eÌquipe.
Des spectateurs-internautes collaboratifs / Pour ce projet, nous voulions prolonger les expeÌriences spectatorielles de preÌceÌdentes creÌations (Cartographies de l’attente ou Liaisons Sonores). Il nous semblait important de nourrir une autre collaboration avec le spectateur, et ce, deÌ€s la phase d’immersion in situ. Avec l’aide d’une communauteÌ restreinte mais internationale d’internautes (QueÌbec, France, Colombie, Mexique, EÌquateur) choisie au preÌalable, nous avons mis en place une plateforme eÌlectronique composeÌe d’une webradio, d’un groupe Facebook et d’un site. Une mise en reÌseau aÌ€ travers laquelle certains nous ont demandeÌ de leur envoyer des mots, des sons, des images, des videÌos du lieu, nous reÌpondant aÌ€ leur tour aÌ€ l’aide des meÌ‚mes supports mais depuis leur environnement. Cette chaiÌ‚ne intermeÌdiale se prolongera jusque sur la sceÌ€ne du theÌaÌ‚tre de l’UQAC.
Une immersion aÌ€ Val-Jalbert / Nous avons choisi Val-Jalbert, un village historique queÌbeÌcois exceptionnellement conserveÌ et restaureÌ qui teÌmoigne de la culture ouvrieÌ€re speÌcifique aÌ€ la paÌ‚te aÌ€ papier. SitueÌ entre le lac Saint-Jean et la chute de la rivieÌ€re Ouiatchouan, cet environnement nous permettait de relier le son aÌ€ une dimension culturelle.
Nos deÌrives valjalberiennes / Nous voulions affirmer un eÌtat de deÌcouverte, voire meÌ‚me de naïveteÌ dans notre approche aurale (ce qu’on entend et comment on l’entend). La premieÌ€re action fut donc de se faire simples visiteurs meneÌs par une experte, EÌlise Hudon-Thibeault (comeÌdienne et guide sur le site). De manieÌ€re plus autonome, nous nous sommes ensuite abandonneÌs aÌ€ des lieux plus preÌcis (maisons, chute, escaliers, usine, eÌglise...) et avec des modes d’eÌcoute deÌcaleÌs (les yeux fermeÌs, parcours physique, traverseÌes avec un objet – pelote de laine, papier, baÌ‚che –, aÌ€ deux, la nuit...). Une perception plus singulieÌ€re mais aussi plus conflictuelle au village a eÌmergeÌ. Nos corps en eÌcoute allaient vivre Val-Jalbert au-delaÌ€ de son apparence, acceptant une conscience plus trouble de son histoire. Le rendez-vous avec France Gagnon, geÌographe feÌrue de geÌologie, a contribueÌ de manieÌ€re deÌlicieuse aÌ€ notre deÌrive valjalberienne...
De retour au theÌaÌ‚tre de l’UQAC / Nous avions songeÌ aÌ€ nous constituer en petits groupes pour reÌaliser de courtes formes qui, mises ensemble, allaient devenir un projet collectif. Une fois sur sceÌ€ne, l’eÌquipe a rapidement choisi de travailler dans une seule salle, sur une performance commune, ouÌ€ les expeÌriences de chacun pourraient contribuer aÌ€ la reÌalisation d’un dispositif ouvert. La forme est devenue eÌclateÌe et les roÌ‚les de chacun se sont confondus: le formateur de l’un est devenu le formeÌ de l’autre. Notre eÌcriture work in progress revendiquait sa dimension dispersive en raison meÌ‚me de sa volonteÌ aÌ€ laisser paraiÌ‚tre nos divergences. Contrairement aÌ€ ce qui pourrait eÌ‚tre logique, ce n’est pas le consensus qui travaille l’eÌcoute ensemble mais bien la dynamique de deÌbat, qui stimule notre position vis-aÌ€-vis de l’autre, ailleurs et diffeÌrent.
Jean-Paul QueÌinnec, titulaire de la Chaire de recherche en dramaturgie sonore au theÌaÌ‚tre et AndreÌe-Anne GigueÌ€re, artiste chercheuse
1 Michel Bernard, 2002, « De la corporeÌiteÌ fictionnaire », Revue internationale de philosophie, no 222, p. 523-534.
Equipe artistique
Nicolas Bergeron, Chantale Boulianne, Matthieu Doze, Andrée-Anne Giguère, Emmanuelle Huynh, Karina Iraola, Karine Ledoyen, Jean-Paul Quéinnec, Christine Rivest-HeÌnault, Pierre Tremblay-Thériault et Maria Juliana Velez
Production
Chaire de recherche en dramaturgie sonore de l'Université de Québec à Chicoutimi